[GRIF'Abrite] Le K de Kamala
C’est le hasard d’une route qui a scellé notre rencontre. Nous profitions à très petite vitesse, et toutes vitres ouvertes, des couleurs de ce mois de juin, quand un point mobile attira mon attention. Tu les cherches me dit-on souvent. Possible… Toujours est-il que la démarche m’intrigua. Pesante et obstinée, rien qui puisse rappeler l’allure d’un chat. Et pourtant, impossible d’espérer se tromper : c’en est un. Vue de plus près, l’écaille de la robe désigne sans appel une chatte. Une jeune chatte en galère. Je m’arrête et essaye sans conviction de l’attraper. J’entends la voix de mes bonnes résolutions : «Tu avais bien dit : plus de chat ! ». « Mais ! » dit la voix du malin, « elle me parle » et elle disparait dans les maïs. Je la suis sans conviction et ne me risque pas à l’attraper, lui laissant la responsabilité d’une décision qui m’arrange bien. J’ai résisté. Je continue ma route. Je ne me félicite pas longtemps, et pense déjà au retour pour lequel deux itinéraires sont possibles. J’opte bien sur, et avec la complicité de mes passagères, pour cette route ci. Nous l’apercevons. Elle avance, de ce même pas d’automate. Nous sommes sur le point de la croiser. Je m’arrête, et cette fois, j’ai ce petit courage qui consiste à prendre à mains nues un animal inconnu. Je l’engouffre dans la voiture et, contre toute attente, elle s’installe calmement sur la plage arrière où elle passe les quinze minutes qui nous séparent de la maison. La voiture fait partie de ses bonnes expériences. A l’arrivée, elle se jette sur la gamelle de croquettes que je lui présente et semble vouloir la défendre comme le ferait un chien, en émettant des grognements. Et toujours ce regard fauve qui maintient à distance tant les humains que les chats présents. Valentin et Pippily, en bons matous font profil bas. Chanel, jolie chatte d’ascendance siamoise ne s’en laisse pas conter. Quelques jours passent. Les formalités de rigueur s’effectuent. Stérilisée et tatouée, Kamala sera son nom, inspiré de celui d’une louve dont je lis en ce moment la singulière histoire. Elle se laisse volontiers porter, mais son regard toujours en impose. Et voilà qu’un soir… sur le dos, papattes en l’air - elle, pas moi - je me crois conviée à la papouille. En bon gros primate, je ne résiste pas et commet l’Erreur, la chose que je déconseille souverainement quand ça sent le câliné-mordeur. En moi, ça le sait, et pourtant, je papouille. La sanction est immédiate. La morsure est cruelle à mon corps et à mon âme. Pas longtemps. Aujourd’hui, La main est guérie, et l’âme aussi. Tu m’intéresses, tu m’intrigues. Que nous dis-tu, petite, derrière cet air de gravité ? Quelles mauvaises expériences passées fuis-tu de temps à autre sous les meubles ? Quel crédit de confiance es-tu prête à l’avenir à nous accorder ? De quelle tolérance feras-tu montre envers notre espèce ? Pour quelle raison de sevrage précoce ta mère n’a-t-elle pas eu le temps de t’apprendre la politesse des chats ? Et si nous nous y essayions ensemble, car bien sur tu es tout sauf une bonne candidate à l’adoption. Et, qui sait, peut-être qu’avec l’entremise de Chanel, certaines portes s’ouvriront-elles. Vous ne vous aimez pas beaucoup toutes les deux. Vous vous êtes même sérieusement battues. Je ne comprends pas encore le détail de vos échanges, mais les choses semblent tout doucement s’apaiser. Je vous observe sans intervenir. Et si un jour je vous retrouvais endormies l’une contre l’autre, et que devant mon étonnement, vous sembliez me dire : « ben quoi ? »
Bon, y a du boulot…
=^..^=artine
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