[GRIF'Auteurs] Massacrée par des barbares ! Duchesse…
« Elle s'appelait Duchesse. Elle était une chatte libre et heureuse. Elle était tatouée et vaccinée et vivait à Vauvert dans le Gard... Sa vie aurait pu s'écouler paisiblement, mais une après-midi, elle a croisé la route de 3 barbares qui l'ont massacrée, rien que pour le plaisir… »
Le texte qui suit m’a retournée. Je n’arrivais à le lire que par bribes… Il a été offert par son auteur, Olivier DELAU, à l’Association Moustaches et Coussinets dont la Présidente Sabine de Fabrègues s’est portée partie civile. La Présidente de l'Association Chats Grains d'Amour Claudette Montvoisin a fait de même. De vouloir partager avec vous le poids de ce drame m’a donné obligation de le lire jusqu’au bout. Les pleurs que vous allez verser, me les pardonnerez-vous ? =^..^=artine
"DE PENSER À DUCHESSE…"
"Ce qu’elle a pensé en touchant là, de ses pattes, la branche supérieure après laquelle il n’y a plus rien. Plus de jeux, plus d’arbres pour jouer ! Je sais à quoi a pensé Duchesse : " Ah, enfin ! Un peu de vie. "
J’espère de toutes mes forces que quelque magistrat enverra en taule pour quelques mois, ces enfants dont je me fiche qu’ils soient des gosses, des mineurs. Dont je me fiche qu’ils soient des gamins. Soi disant. Je me pose 3 questions. Ou, plutôt, je me pose une question. Liée à trois moments….
A quoi pensait Duchesse, petite chatte paisible, au long poil blanc soyeux, lorsqu’elle jouait sur son arbre ? Dans les branches de l’arbre…Je crois le savoir. Elle humait l’air, avec de petits frémissements des narines, répétés et furtifs. Elle humait l’air tout en regardant autour d’elle. Comme font les chats. Scruter les environs, veiller, sentir, happer ce qui arrive, ce qui peut arriver. Les ondes, les fragrances… Humer l’air. L’air est tiède quelquefois en novembre. Plus que tiède. Chaud. Comme une fin août. Ça arrive.
Et pourquoi les chats n’aimeraient-t-ils pas cela, eux aussi ? La caresse de l’air est douce à toutes les peaux, à toutes les narines flairant l’espace alentour…L’espace d’où ne vient que rarement du danger. Le danger, il viendrait plutôt, tiens, là, maintenant que je m’y risque ! De bien atteindre cette autre branche, tout de même assez en dessous. Plus fine, cette branche d’en dessous, que celle qui me sert de support. Mais c’est comme ça ! J’aime les défis, moi, Duchesse. J’ai bien songé à bondir, à jaillir sur la branche supérieure. Mais bah ! Ce n’était pas de jeu, ça, précisément. Elle est plus costaude, cette branche supérieure, plus épaisse que celle sur laquelle se posent mes pattes présentement. Donc : la branche d’en dessous ! Voilà qui est fait. Je ne suis pas patraque, hein, tout de même ? Aussi Duchesse que je sois. Et l’air est toujours aussi bon à humer, là, 70 cm plus bas, tandis que le dos incurvé, m’étirant, m’étirant de plaisir sur la banche plus fine, encore vibrante de mon saut, je frotte de mes griffes l’écorce de cette branche du cerisier. Arbre aux branches de toutes tailles, me servant de terrain de jeux. Dans l’éternité de cette minute douce. Moi, Duchesse dans les branches, jouant. Moi, Duchesse au soleil qui me fait m’étirer voluptueusement. Fière d’avoir atteint la branche d’en dessous, tellement plus « difficile » que celle du dessus.
Je me pose une question…A quoi a pensé Duchesse quand ils se sont emparés d’elle ? Quand ils ont tiré sur elle pour la décrocher de la branche moins épaisse, là, de la branche ployante, qui avait tremblé sous son poids de jeune chatte en liberté. Et qui vibrait à présent de ce qu’elle en soit retirée de manière si… autoritaire.
A quoi a pensé Duchesse lorsqu’elle s’est vue dans leurs patasses, dans leurs griffes à eux ? Juste avant qu’ils ne commencent à…comment appeler ça ? Jouer ?...A quoi a-t-elle pensé, alors? Je crois que je sais. Duchesse a compris et n’a pas compris. Elle a éprouvé cette sensation de terreur, de terreur vertigineuse, d’angoisse impossible à faire entrer dans le cœur d’un animal aussi petit qu’elle, et pourtant, à toute force, à y faire tenir. Non, elle a préféré rejeter cela. Ne pas comprendre. C’était impossible autrement. Ils voulaient jouer. Seulement jouer. Ils s’y prenaient mal, voilà tout. De manière brutale, mais ça allait passer. Un challenge entre garçons, à qui parle le plus fort, à qui ose le plus.
Je sais à quoi a pensé Duchesse. Il lui fallait nier à toute force, sinon il n’y a pas d’existence possible, sinon il n’y a plus aucun air en soi ni au dehors. Il lui fallait rejeter, gommer, ce qu’elle sentait. Ce qui s’imposait. Ce qui était là, déjà. Que ce serait pire qu’avec des animaux. Que déjà, tenez, ça l’était. Alors qu’ils tiraient sur ses pattes pour lui faire des élongations, sur ses poils pour en faire des touffes blanches dans la main. Des touffes qu’on enflamme pour la beauté du geste, pour voir. Je sais ? Non, je ne sais rien. Je ne sais pas à quoi a pensé Duchesse lorsqu’elle a vu que c’était pire qu’avec les pires dépeceurs, les plus redoutables carnassiers, les espèces dont la taille empêche qu’on se défende.
Je ne sais pas ce qu’a pensé Duchesse. Rien peut-être. Rien, si cela se peut. Rien, s’il y a un dieu aimable, sinon aimant, et qui à défaut d’arrêter le massacre a peut-être arrêté le débandement des pensées folles de Duchesse à ce moment. L’éparpillement des pensées folles de Duchesse au moment où elle devait faire entrer en elle ce qui n’y pouvait contenir. Je ne sais pas ce qu’a pensé Duchesse à la minute où ils ont fait d’elle un ballon qu’on atteint en plein vol, en plein jet, à la pointe du pied.
Je ne sais pas à quoi a pensé Duchesse dans les moments où il n’y a plus de pensée possible, la vie continuant pourtant en soi, le sang continuant pourtant de couler dans les veines. Le sang qui ferait bien mieux de s’arrêter.
Je ne sais pas si Duchesse a pu penser lorsqu’elle n’a plus été qu’une sorte de serpillière claire, boulée sur elle-même, entre leurs pieds, dans l’espace entre leurs pieds.
Je ne sais pas à quoi à pensé Duchesse quand elle a vu qu’elle ne mourait pas. Quand elle a vu que, plus méprisée qu’un ballon (puisqu’on l’abandonnait, et que les enfants n’abandonnent pas un ballon après leurs jeux) ils la laissaient là au terme de leur partie. Lorsqu'elle a vu que devaient continuer de se dérouler tous les anneaux de sa chair mutilée, crucifiée ; de ses pensées mutilées et martyrisées.
Qu’a pu penser Duchesse en voyant qu’ils avaient accompli cela et qu’elle n’en mourait pas ?
Qu’a pensé Duchesse jusqu’au lendemain où une main secourable a fermé ses yeux afin qu’elle atteigne, dans le sommeil dernier : plus de confort, moins de mort. En quelque sorte, la branche supérieure d’un cerisier. Où se trouvait, objectivement, plus d’existence puisqu’en certaines circonstances, mourir c’est atteindre un mieux.
Je sais à quoi a pensé Duchesse avant de se hisser sur cette branche d’en dessus, avant d’atteindre cette situation préférable, ce mieux, qu’un vétérinaire lui offrait avec une piqûre.
Je sais qu’on n’est pas un enfant lorsqu’on manifeste une telle expérience dans la cruauté, une telle maturité savante dans la férocité. J’espère de toutes mes forces qu’un juge infligera à leurs parents une amende telle que l’envie leur passera à jamais (ou sinon à eux : à d’autres parents) par laxisme, par bêtise, par nonchalance, par peur peut-être de leur progéniture, de faire de leurs enfants de tels monstres cadrés, tranquilles, insouciants, impunis.
A l’amende comme on dit « à la peine», les parents qui négligent, ont négligé, les mots nécessaires, utiles, indispensables au redressement de leurs gamins lorsqu’ils ont vu que leurs mômes, petits, partaient de traviole comme un jeune pêcher tordu, d’un mètre de hauteur. «
Partaient de traviole » en envoyant des coups de pied dans les jambes de la vieille dame, au supermarché, mettons, parce qu’elle n’avance pas assez vite dans la file menant à la caisse. Ou bien un coup de pied dans les flancs du chat qui est là, au soleil, qui ne dit rien à personne, et à qui on reproche simplement d’exister dans la tiédeur de l’air. Jambes de la vieille dame, flancs du chat : c’est du pareil au même ! Des mots pour rectifier, des mots pour corriger. Des mots qu’il a manqués. Cruellement…
J’espère de toutes mes forces qu’un juge enverra en maison de correction, à l’amende, ceux qui respectivement doivent y aller et y être. Simple acte de justice... Il y suffit pour l’appliquer...Il y suffit pour la rendre...Il y suffit pour être en adéquation avec le cœur et la conscience de millions d’êtres humains...
Il y suffit de peu de chose, de très peu de chose...De rien ... De penser à Duchesse. " Olivier DELAU
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